Mémoires d’un gamer journaliste : Chapitre 3 – Le hasard de la vie

Jamais de ma vie d’adolescent féru d’informatique et de jeux vidéo je n’avais imaginé entrer dans le monde du travail aussi jeune. Honnêtement, même si je ne savais pas encore ce que je voulais faire, j’aspirais à des activités ayant un rapport avec les technologies d’où mon cursus scientifique. Mais la vie réserve bien des surprises et celle-là changea définitivement le cours de la mienne.

Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Je me souviens encore des mercredis après-midi et surtout des week-ends à jouer avec mon frère et/ou avec des potes sur notre Commodore 64 surtout à des jeux de l’éditeur Epyx créateur des Summer Games, Winter Games et World Games. Pourquoi cet éditeur m’a marqué? Parce que c’est une de leurs productions qui est à l’origine de ma vie de gamer journaliste.

Fan de la série des Games d’Epyx, avec mon frère, on voulait acheter California Games, leur toute dernière production. Mon jeune frère me suppliait d’aller voir dans les magasins à Paris s’ils ne le vendaient pas déjà. Un samedi d’octobre 1987, je me lança dans une petite expédition pour tenter d’acheter le jeu dans un des magasins du boulevard Voltaire à Paris. Les parisiens connaissent bien le secteur pour le nombre de magasins de jeux vidéos dans le coin. Ils en subsistent encore pas trop mal à ce jour près de 30 ans après même si les propriétaires ont probablement tous changé depuis.

 

En entrant dans l’un des magasins que je connaissais le mieux, je demanda s’il était possible d’acheter California Games sur C64. La réponse a été négative. Toutefois, gentiment, le vendeur m’indiqua qu’un salon de jeux vidéo était organisé pas loin et que l’éditeur (plutôt son distributeur en France) avait un stand qui le présentait et que, peut-être, il serait possible de l’acheter. Ce salon était le Festival de la Micro, le tout premier à ma connaissance du genre en France. Il se déroulait à l’espace Austerlitz. Je me décida d’aller y jeter un coup d’oeil. Une fois l’entrée payée, je me dirigea directement sur le stand California Games d’US Gold (dans le temps distribué en France par SFMI/Micromania). Je m’approcha du stand et demanda s’il était possible d’acheter le jeu à un des exposants du stand. Il me répondit que le jeu n’était pas encore disponible et qu’il le serait dans les 3 semaines. Ce monsieur, je l’apprendrais plus tard était à l’époque l’attachée de presse/chef de produit d’US Gold. Il est toujours assez marrant lorsqu’on se recroise tout au long de ces décennies en se souvenant de cette première rencontre. Depuis, il a bien avancé et est désormais le PDG de la branche européenne de Disney Interactive.

Retour à cette journée un peu spéciale pour moi. Déçu de ne pas pouvoir acheter le jeu, je me disais que j’allais tout de même jeter un coup d’oeil à ce petit salon. En arpentant les différents stands, je vis un Atari ST trônant tout seul avec Winter Games chargé. Envie irrépressible de jouer à une version supérieure à celle sur C64 que j’avais à la maison, je me mis à la manette avant qu’un monsieur vint m’interrompre en me disant qu’il s’agissait d’une borne pour un concours. Je demanda si je pouvais participer et il acquiesça par la positive. Je me lança sur l’épreuve de saut à ski et dès le premier essai je fis un bon score. Etonné, le monsieur me dit que, normalement, seul le meilleur score permettait de se qualifier mais puisque j’avais fait le second meilleur du premier coup, il me qualifia également. Il ne savait pas à quel point il allait changer ma vie et accessoirement devenir un collègue dans la presse écrite par la suite. Et oui, il était à l’époque déjà pigiste/rédacteur.

 

Je fus donc qualifié et découvrit que le concours allait se faire sur California Games sur C64. Quelle coïncidence n’est-ce pas? Qualifié donc pour les phases finales, je fus étonné de passer les tours relativement facilement. Il est vrai que le jeu étant inconnu de tous les joueurs, il fallait découvrir les subtilités des différentes épreuves de California Games pour scorer. Accessoirement, le fait que j’eusse était capable de lire l’anglais m’aida fortement. En effet, avec le manuel en anglais disponible, j’avais compris comment améliorer mon score et donc facilement battre mes jeunes adversaires anglophobes. Moi qui pensait passer une heure ou deux au salon, je finis par y passer tout le week-end en atteignant la finale. La rencontre allait se jouer face à un autre adolescent sur les 6 épreuves que comptaient California Games. A 3 partout, l’organisateur tira au sort une épreuve pour nous départager. L’épreuve du frisbee tomba. Et là, un coup de bol monumental allait me donner la victoire. Le principe de l’épreuve était de lancer le frisbee avec une bonne vitesse et un bon angle avec un premier perso puis de le rattraper avec un second. Or le rattraper en plongeant donnait plus de points ce que je fis totalement par hasard car j’avais raté mon timing pour le catcher normalement. Par dépit, je fis un mouvement avec le stick qui fit plonger mon personnage qui rattrapa le frisbee juste avant qu’il ne touche le sol. Coup de bol et coup de maître. Victoire pour bibi 😀

Le premier prix était sur le même thème que le jeu à savoir une semaine de stage de surf en Californie. Toutefois, vers la fin du concours, un bruit de couloir circulait. L’éditeur semblait avoir eu un accord avec le stand voisin, celui de Commodore, qui pourrait offrir une de ses machines en prix pour le gagnant. Finalement à la cérémonie de remise des prix, on me donna le choix entre un stage de surf d’une semaine en Californie ou une configuration complète Amiga 2000 et son moniteur. Autant vous dire que la décision a dû me prendre bien 2 millièmes de seconde. En effet, depuis plusieurs mois avant ce salon, mon rêve était d’avoir un Amiga. Je m’étais lancé dans des activités tennistiques pour économiser suffisamment pour m’acheter un Amiga 500 et profiter de titres tels que Defender of The Crown sur lequel je salivais depuis un moment. Et apprendre que son constructeur allait me filer carrément la version pro avec le moniteur, j’étais juste aux anges. Je touchais plus terre.

Bon, je n’avais pas pu obtenir la configuration complète le jour de la remise des prix. Commodore n’en avait plus en stock. Il m’a fallu patienter 2 semaines. Même si l’Amiga 2000 pouvait se connecter à la TV, les deux semaines m’ont paru une éternité avant de voir trôner sur mon bureau ce joujou sur lequel j’allais passer les années suivantes à tout faire dessus.

Quid de mon entrée dans le milieu de la presse jeu vidéo me demanderez-vous? Hé ben, comme si la joie de la victoire ne suffisait pas, un monsieur vint me voir après la remise des prix et me demanda si cela m’intéressait de tester des jeux pour un nouveau magazine qui allait sortir dans les semaines à venir. Vous vous rendez compte? Demander à un gamin de 16 ans s’il veut tester des jeux sans les payer… Vous savez quoi? J’ai dit… OUI ! 😀 Il précisa par ailleurs que ce serait évidemment rémunéré. J’hallucinais totalement. Me proposer de l’argent pour que je joue à des tas de jeux. Quel gamer pourrait refuser ? Pas moi.

Voilà comment j’ai intégré l’équipe d’un certain Game Mag avec pour premier test un jeu de baston sur Commodore 64 nommé Street Hassle. Mon tout premier test d’une très très très longue série.

Et quid du voyage en Californie? Pas de déception? J’avais imaginé que tôt ou tard j’irais faire un tour là-bas pour des vacances de toute manière et que j’avais la vie devant moi pour le faire. Je ne savais pas encore qu’une décennie plus tard je commencerais à enchaîner les E3 à Los Angeles ni que j’allais finir par bosser chez un développeur pour quelques temps toujours en Californie. Mais tout ça, c’est pour de futurs chapitres…